Il aimerait qu'ils le croient quand il dit que c'est pas si triste cette misère, que c'est pas si triste car lui il connaît les arc-en-ciels artificiels et la beauté d'un ciel sans étoiles : elles sont toutes effacées par la lumière des lampadaires. Il n'en a que faire si sa réalité ressemble à des nuits grésillantes, il n'en a que faire s'il ne connaît pas de couplets lyriques parce que sous son pont Mirabeau ne coule pas la Seine mais une eau saveur égout. Ca lui va très bien tout cela car il lui en faut peu pour être heureux et que quand on a quinze ans, on pense pas vraiment à la conception du bonheur et toutes ces choses, il pense tout simplement qu'on saisit sans trop réfléchir aux conséquences. Il rit un petit peu quand il les voit dans le bus à s'évertuer à apprendre des notions bien trop complexes au nom du futur et de la culture alors que sa vie à lui, c'est dans les poches des autres, et s'il veut offrir des boucles d'oreille à sa pute de mère, il glissera ses doigts tout contre leur cuisse pour leur piquer leur téléphone portable dernier cri. Mais attention ! Prince ne s'en prend jamais aux salopes, aux camés et aux génitrices mais plutôt aux escrocs qui portent des chemises et qui arnaquent des mamies au téléphone toute la journée. Il assure que c'est parce qu'il a des valeurs et qu'il vole pas les gens que sa daronne pourrait inviter boire un thé à la maison.

Prince rit beaucoup, de tout le monde et surtout de ceux qui affichent des têtes atterrées quand il sort des insanités, ou quand il ne comprend pas ce qu'on lui dit, ou même quand il a tenté de sortir un mot compliqué et que c'était pas vraiment le moment adapté - non il ne pense pas qu'il y a d'idiots mais plutôt des personnes qui tentent et qui se ramassent, ça l'aide à relativiser et se dire qu'il est peut-être pas si con que ça.

Ce sont les excès d'injustice qui titillent son ire et développent en lui un profond sentiment d'incompréhension parce que ça lui échappe tous ces gens qui font passer les valeurs d'autrui avant les leurs, qui se donnent à l'inhumanité pour quelques billets verts en plus. Ca lui viendrait pas à l'idée de dépouiller une carcasse déjà à moitié mourante voyez-vous ; son coeur tire dans tous les sens. Il veut dégobiller toute sa haine sur les pantalons bien repassés des profiteurs.
L'oiseau de malheur connaît pas beaucoup la vraie douleur parce que les pavés de sa rue sont faits d'or brut, et qu'il semblerait qu'il soit un des protégés du Destin, au chaud, le front tout contre son sein.

( l'insulte "fils de pute" le fait pouffer car c'est pas si mal comme situation d'après lui _ simplet _ pas malheureux pour un sous _ il aime bien les gens de culture _ sauf les cadres, à eux il leur vole leur iphone XS _ serviable _ il comprend  souvent rien mais il hoche de la tête en faisant mine que si _ finit souvent ses phrases par "rah ouais" _ le genre de gars relou qui arrête pas de dire "bah moi aussi je sais le faire hein" _ surtout s'il sait que ça casse les bonbons à la personne _ le compliment facile _ le contact facile _ quand une voiture roule dans une flaque d'eau c'est toujours à côté de lui, et jamais devant lui _ du coup il est jamais trempé _ il est abonné aux billets de vingt dollars trouvés par terre _ son petit bonheur hebdomadaire, pour ainsi dire _ va plus beaucoup en cours _ c'est pas que ça l'intéresse pas, c'est que monsieur a mieux à faire _ genre traverser la ville en vélo pour ramener des trucs parfois louches _ cynique _ lit très lentement _ aime pas aller chez le coiffeur _ rit des gens qui font trop de manières _ respectueux avec les vieux car on touche pas aux anciens _ âge pas trop définissable à première vue, il fait un peu plus âgé _ de toute manière est-ce qu'on lui demande sa carte d'identité même ?? _ lent pour se remémorer de toUT _ sang chaud par moment _ pro de la duckface _ léger _ jure comme un charretier _ ne connaît pas la honte _ porte des faux tshirts gucci et juge celleux qui en portent des vrais car "pourquoi iels dépensent tant dans cette merde" _ théâtral _ n'a pas honte de son manque de culture et d'intelligence scolaire )

Pile ou face ?
face.

Quel est votre signe astrologique ?
verseau.

Plutôt Parti Républicain ou Démocrate ?
démocrate.

Pensez- vous que le hasard, c'est Dieu qui se promène incognito ?
ouhhh trop philosophique pour moi.

Croyez-vous aux soucoupes volantes, aux projections astrales, à la télépathie, aux pouvoirs parapsychiques, à la voyance, à la chasse aux fantômes, à la télékinésie, à la transe médiumnique, au monstre du Loch Ness et à la théorie de l'Atlantide ?
t'as cru on était dans un livre de bernard werber ??

Ah et j'oubliais : la réincarnation, ça vous parle ? Êtes-vous persuadé(e) d'avoir été un philosophe barbu et barbant dans une vie antérieure ?
tu m'en poses des questions ?? j'en sais rien, mais ça peut être stylax.

"Les enfants sont très bien vus quand ils ne sont pas encore dangereux. Même moi, je recevais des mots gentils et des sourires, les gens se sentent toujours rassurés lorsqu'ils voient un môme qui n'a pas encore l'âge d'être un voyou." (La vie devant soi)

Prince se baigne, inconscient, dans la lumière du lendemain. Le coeur inerte, cet enfant n'a connu qu'une peur prenante, constante, habituelle ; c'est un inconnu des réels cataclysmes. La vie lui sourit. La vie a un goût de sang, un goût de béton, et même les néons de leur lumière artificielle - il les lèche volontiers sans craindre la crasse maladive.  Sa réalité se trouve dans cet appartement aux relents de parfum tourné, et ses doigts sont gras à force de les frotter sur la table du salon dégueulassée par du rouge à lèvres bas de gamme.

Il n'a jamais connu que sa mère et lui, pas de père à l'horizon - que des faux amoureux pour des billets, pour quelques secondes de baise sur le canapé. Pas de tristesse, pas de mélancolie, pas de poésie : juste le force brute de la vie qui l'enveloppe plus qu'elle l'écrase. Et ils disent mettre la daronne à l'abri, et Prince s'efforce chaque jour de conserver le plus possible la génitrice pour l'aimer encore et à jamais, avec l'illusion naïve qu'il mourra avant elle. Il craint le froid et ne compte pas encore quitter le cocon, parce qu'il en aime la chaleur familière et ne compte pas s'en séparer inutilement.

La seule fois qu'il a vu sa mère pleurer, c'est ce jour-là où il lui a offert ce parfum acheté dans un Sephora du centre-ville. Des larmes-rasoir, elle était blessée, heurtée, achevée dans son égo maternel et de femme - elle ne pouvait décemment pas reposer sur un homme, et encore moins son propre fils. Avec de l'argent sale, car elle ne pouvait décemment pas accepté la preuve de la dérive - et le fait que son petit protégé gagnait du fric en revendant de la beuh ou en volant ces mêmes connards avec qui elle couche. Elle n'y a jamais touché, à ce parfum. Prince a fini par le revendre pour vingt dollars. Avec cet argent, il a acheté du tabac humide qui traîne toujours dans la poche de sa veste parce qu'il n'arrive pas à le fumer sans cracher ses poumons.

Au lycée, personne ne dit rien. C'est un sans-avenir qu'ils disent, et les lettres à cause de ses absences répétées finissent à la poubelle de la cuisine, sans même être ouvertes. Parfois pointe-t-il son nez pour rappeler son existence, sans grande conviction ou de cahiers dans son sac à dos.

Une odyssée dans le coeur, il s'est éloigné des obligations pour continuer sa quête d'aventurier et se perpétuer dans un chemin quiet. L'enfant ne craint ni l'orage ni la police. La pression s'exerce sur son coeur, à la force de son amour pour sa mère - et la peur de la décevoir.