Surnommée Mamie, Granny, par la moitié des gens qu’elle côtoie. // Style vestimentaire farfelu mais classe. // Porte souvent des lunettes de soleil, ça cache ses yeux vairons. // Un vert et un marron, voilà, comme ça vous savez. // A un vocabulaire assez grossier. // Adore siroter des cocktails tout en taillant une bavette. // Porte la robe de soirée avec une classe rarement égalée à son âge. // Est sportive. // S’est fait retirer son permis, deux fois. // Pilote comme personne, mais oublie que la route n’est pas un circuit. // Ecoute du vieux rock et du blues à fond, dans sa décapotable. // Ne supporte pas les animaux domestiques, mais s’est faite adoptée par deux chats. // Bois son café noir comme les abysses et fume comme un pompier. // Adore le bleu et le noir. // Donne des surnoms affectueux aux jeunes autour d’elle. // Adore son petit-fils. // A un humour particulier et un vocable vraiment peu châtié. // Utilise des expressions surannées. // Un tantinet insomniaque. // Mange son pop-corn salé. // Chante sous la douche. // A des mains toujours très soignée. // Est autant à l’aise en talons aiguille qu’en baskets. // A l’habitude des soirées guindées. // Est une référence en matière de conseil automobiles. // Possède pas moins de sept voitures, dont deux de collection. // Aurait aimé apprendre à faire de la moto. // Traîne partout ou elle le peux, dépense sans compter. // Adore le cinéma en plein air. // Chante plutôt juste, mais fait littéralement exprès de chanter faux. // Ses chats sont appelés Yin et Yang, pour une raison obscure elle n'avait pas de meilleure idée. // Elle adore manger asiatique, ou mexicain. // A en horreur le vin américain et ne jure que par le vin français. // Abhorre littéralement l'autorité parentale sur les jeunes adultes.
S'il avait fallut inventer la confiture au whisky pur, Minnie Banks en aurait été l'instigatrice. Petite dame au grand sourire, sponsorisé par Colgate et ses lunettes par Ray-Ban, Minnie est une femme charmante qui lorsqu'elle ouvre la bouche augmente ce capital ou le fusille d'une seule réplique. Veuve truculente, souriante et active, la mamie ne semble pas décidée à prendre sa retraite, elle traîne toujours sur les circuits et hante les soirées huppées comme un fantôme hanterait un manoir écossais.
Portée sur les petits-fours et la bouteille de champagne, elle gâte sa famille et ses amis, généreuse et presque misanthrope, elle n'a pas peur de dépenser ses sous. Elle s'estime très heureuse de sa condition, elle est riche, anciennement connue et toujours le carburant de vieux souvenir chez les gens de son âge. Après tout, elle avait fait scandale en devenant pilote, soutenue par feu son mari. Ensuite elle avait fait scandale quand elle avait entre quarante et cinquante ans enchaîné les histoires d'amour passionnelles et désuètes. Le scandale mamie aime ça, elle aime l'observer, l'encourager, le démontrer et l'afficher, secouer les convenances l'amuse beaucoup.
Forte tête sous couvert de sourires amusés, Minnie est aussi une femme qui sait qu'elle a eut de la chance, réchappée d'un grave accident de course qui aurait dû lui couter la vie, elle fonde une famille mais voit son mari mourir d'un accident de la route. Elle dira toujours qu'il s'agissait du karma. Elle n'est pas veuve joyeuse, mais veuve pragmatique, riche et rentière d'une entreprise pharmaceutique détenue par son défunt mari, elle n'a plus besoin que de s'occuper de sa vie.
Elle n'a jamais été particulièrement croyante, elle vient originellement d'une famille peu portée sur la religion, plutôt portée sur le whisky si vous voyez ou je veux en venir. Décidée et consciencieuse elle fait toujours ce qu'elle doit faire avec application et dévotion, quoi qu'il lui arrive d'avoir la même motivation à faire capoter les plans de sa famille qui vise à la placer à Hawaï dans une jolie maison, pension comprise, afin de ne plus avoir la vieille dans les sabots !
Mais que nenni !
Minnie n'a pas fini de faire des étincelles, que ce soit sur circuit, ou elle traîne encore ses techniques de dérapage, ou dans les soirées mondaines ou son humour et son comportement maternel mais amusé, sauve la vie des jeunes gens en perditions dans un public de vieux riches pédants.
Pile ou face ?
Pile, gamin.
Quel est votre signe astrologique ?
Qu'est-ce que j'en sais moi ?!
Plutôt Parti Républicain ou Démocrate ?
Les deux sont un tas de mous du bulbe. Ils viendront tout les deux chercher du frics dans mes poches à la moindre soirée donnée, ça me file la gerbe mais j'adore les petits-fours.
Pensez- vous que le hasard, c'est Dieu qui se promène incognito ?
Et ta sœur, elle bat le beurre ? Ah tu es échappé d'un vase de Chine, c'pas possible !
Croyez-vous aux soucoupes volantes, aux projections astrales, à la télépathie, aux pouvoirs parapsychiques, à la voyance, à la chasse aux fantômes, à la télékinésie, à la transe médiumnique, au monstre du Loch Ness et à la théorie de l'Atlantide ?C'est comme la Justice, de temps en temps faut réveiller les esprits pour éviter l'hibernation, sinon le doute s'installe, mais est-ce que j'y crois ? Pas à tout, mais l'idée de pouvoir aller un peu plus loin que la plate réalité qu'on nous sert... C'est alléchant petit, j'admets.
Ah et j'oubliais : la réincarnation, ça vous parle ? Êtes-vous persuadé(e) d'avoir été un philosophe barbu et barbant dans une vie antérieure ?
Si la réincarnation existe, j'ai dû sacrément bien bosser dans ma vie d'avant pour hériter de celle-ci.
Dans un tintinnabulement métallique provenant de ses massives boucles d’oreilles dorées sertie de lapis-lazuli, Minnie se retourna et abaissa les verres fumés de ses lunettes avant d’adresser un grand sourire à son interlocuteur. Ses yeux vairons brillaient de malice et dans sa grande robe de soirée bleu nuit brodée de sequins noirs, elle ressemblait à un gros oiseau de paradis.
« Le secret Jason, c’est justement de s’en foutre, de ce que disent les gens. Ciao ! » Parachevé par le bruit des talons aiguilles frappant en rythme le carrelage immaculé de l’hôtel Carlton, la vieille dame s’éloigna dans le froufrou satiné de sa robe.
On entendit vrombir le moteur d’une Lamborghini Veneno Roadster – dont la carrosserie était bleu saphir, quelques huées joyeuses de fêtards sur le trottoir accompagnèrent le moteur et le pauvre Jason retourna penaud à sa soirée, privé de la présence de Minnie Banks.
Minnie Banks est née à Las-Vegas, elle est née Minnie Marjorie Alice Flatfield, elle était la troisième enfant de sa fratrie. Rien ne la prédestinait à épouser Harry Banks, un notable de la ville, héritier d’une grosse fortune et dont le nom était intrinsèquement lié à une grosse société de pharmaceutique. En fait, Alice, sa mère, pensait que Minnie serait infirmière ou secrétaire dans une entreprise quelconque. C’était mal connaître les joies du hasard et le caractère de Minnie.
Avant d’avoir des cheveux d’un blanc immaculé, Minnie était une jolie brune aux yeux vairons, plutôt bien faite de sa personne. Elle étudiait la littérature par dépit et suivait les courses de Nascar avec un intérêt qui était tout sauf anodin. Depuis qu’elle avait posé ses mains sur un volant c’était ce qu’elle voulait faire de sa vie, mais quand on est une femme on n’a pas les mêmes droits que les hommes. Pourtant, la maligne petite brune ne se laissa pas démonter, elle coupa ses cheveux courts et se fit passer pour un garçon dans un club voisin de son quartier de naissance. Elle se mit à fumer et à boire pour rendre sa voix plus rauque, elle cachait sa poitrine et ses hanches, et malgré ses manières quelques peu efféminées… Hé bien l’illusion fonctionna.
A bien y réfléchir aujourd’hui, Minnie se demande parfois avec le plus grand sérieux si le karma n’y avait pas été pour quelque chose durant ces années ou Minnie se faisait appeler Robert, par le nom de son frère aîné. C’est durant cette période, sur la fin de son adolescence qu’elle rencontre Harry Banks. Le beau et chétif Harry, malin et intelligent, sensible et pourtant redoutable en affaire. Pour une raison ou une autre, que Minnie elle-même ne comprenait pas très bien, elle avait été charmée par le bonhomme – ils n’avaient pas encore vingt ans, ou tout juste, elle a du mal à s’en souvenir.
Plus serré que prévu, le virage fit hurler les pneus et le moteur émit un vrombissement de tigre en colère. Brièvement dans le rétroviseur central, une paire d’yeux vairons avisèrent la présence d’une voiture dans les tons verts. Elle sentit sa cheville se contracter comme par enchantement et l’accélération la plaqua dans le siège – à la sortie du virage les deux voitures partirent en tête à queue. Soulevée dans les airs dans un tonneau formidable, Minnie eu juste le temps de remercier les arceaux de sécurité et son casque avant de perdre connaissance.
Il fallut une heure pour l’extraire de la voiture, la désincarcération découpa la carrosserie en carbone et broya une parte des arceaux de sécurité. Inconsciente elle ne vit pas toute l’assemblée qui s’activait autour de la carcasse et de son corps inconscient. Elle ne vit pas que l’autre pilote était mort et dans l’assistance que son mari regardait d’un air inquiet – mélange entre sidération et panique pure.
Dans son malheur, sa chance reposait dans le tonneau aérien qu’elle avait fait, l’autre voiture était alors passée sous la sienne et l’avait amortie dans sa violente chute sur le terre-plein. Elle passa deux jours inconsciente, avant de reprendre connaissance. Elle n’avait rien de cassé, pas un ongle, pas une côte, rien. Son mari en revanche, avait dans ses bras un fiston pleurant, une sacrée frousse muée en colère.
Ils se prirent le bec dans la chambre d’hôpital, sans vergogne.
Cet accident marqua définitivement le couple et la carrière de Minnie, consciente de sa chance et soudainement enflammée par cette dernière elle enchaîna les courses comme une survivante cherche désespérément à pimenter sa vie. Jamais la mort ne vint la chercher cependant. Ce qui vint la heurter furent ses enfants, ses deux garçons furieux et malheureux de ne presque jamais avoir leur mère autrement que par le biais des photos et des courses transmises à la télévision.
Minnie l’admettait aujourd’hui, elle avait été absente. De Monaco à Las Vegas, l’Europe et ses courses automobiles avaient ouvert ses circuits à cette petite femme si intrigante et si maligne sur un circuit. Minnie avait d’ailleurs eu quelques aventures avec d’autre pilotes – est-ce qu’elle regrettait ? Non, elle était persuadée que son mari avait pris la même liberté lorsqu’elle s’absentait plusieurs mois d’affilée lors des saisons de course. Son seul regret avait été son absence auprès de ses fils, qui avaient été assez bons en grandissant pour comprendre que leur mère avait fait sa carrière, un sacrifice de sa famille qu’ils avaient été assez humble pour pardonner à moitié.
Mais Minnie Banks vivait alors sa meilleure vie, égoïstement, la petite fille coincée et boutonneuse devenu cygne élégant.
Elle enchaîna sa vie à cent à l’heure, sur route comme sur circuit, jusqu’à la mort de son mari.
Le salon du Penthouse de l’hôtel avait été envahi par des hauts pieds sur lesquels des spots étalaient une clarté artificielle sur l’ameublement style année vingt. Deux caméras aux angles opposés et des appareils photos montés sur trépieds étaient éparpillés dans la pièce en face d’un fond blanc à l’éclat aveuglant. Dans des tons chaleureux et énergiques des meubles cossus, deux femmes se faisaient face, la première portait sobrement le tailleur – noir et gris, finement rayé et plutôt cintrée sur une silhouette sportive.
La seconde portait une élégante chemise en soie blanche, bouffante et au col haut, sur laquelle une veste en velours marbré couleur océan étalait une queue de pie sur l’assise du fauteuil orange – les deux teintes juraient atrocement entre elles, faisant ressortir la silhouette mince et agacée de Minnie. Son pantalon à pont en lin noir se froissa quand elle croise ses jambes chaussées d’escarpins bleu marine. Elle tintait de tous les côtés, ses lourdes boucles d’oreilles sphérique et ses bracelets multiples grinçant sur ses poignets minces.
« Bien, je crois que je dois répondre à vos questions, c’est un exercice que je ne fais pas souvent hélas, je crain d’être un peu rouillée sur les bords mon enfant. » Le ton est calme et amusé, pour Minnie c’est un jeu, elle va devoir répondre aux mêmes questions surannées. La jeune femme en face d’elle acquiesce avec un sourire en sortant une banalité sur les vélos et l’apprentissage, Minnie s’en fiche royalement et écoute à peine et se concentre sur son langage châtié.
Son intérêt est ravivé quand elle entend les questions.
Combien de temps a duré votre carrière ?
Elle a duré des années ’80 aux années ’00, j’ai officiellement pris ma retraite après la mort de mon époux en ’02. Sur ces vingt années et depuis mes vingt-et-un ans, j’ai couru dans des prix internationaux, au même titre que les hommes, ne leur en déplaise.
S’inclure dans un monde d’homme a été compliqué, avez-vous reçu du soutient ?
Très peu au début, mais il a suffi de quelques courses pour que ce soutient arrive par la suite, de la part de grands noms de l’automobile, le meilleur jour de ma vie reste mon entrée sous sponsor dans une course en France. Les femmes ont beaucoup fait pour moi aussi, elles étaient nombreuses à devenir public de mes courses, ça a sûrement motivé nombreux sponsors pour se tourner vers le public féminin. Le public étranger également, même à me démonter pièce par pièce, me faisait une publicité monstre. Mon mari reste le meilleur soutient que j’aie jamais eu, il a toujours soutenu mon activité, même après mon accident en ’86.
Cet accident a fait un mort, vous l’avez échappée belle non ?
Oui, j’aurai dû mourir, en revoyant les images j’ai toujours un frisson désagréable et l’étrange sensation qu’une main se pose sur mon épaule, je crois que la mort n’était pas loin, debout dans ce virage, ce jour-là.
Vous avez passé deux jours dans le coma, ça ne vous a pas freinée ?
J’apprécie l’utilisation du mot freiner, mais non, il en aurait fallu plus que ça pour m’arrêter ma chère. Cependant, ça a nettement freiné mon mari comme vous dites. Il a eu les plus belles pétoches de sa vie et moi j’ai littéralement eu le cul bordé de nouilles, si vous me passez l’expression.
Certains disent que vous êtes responsable de la mort de James Mallory, l’autre pilote impliqué.
Ils ont tort, mais ce sont leurs convictions. Ils sont mous du bulbe, il suffit de voir les images pour comprendre que ce qui nous a été fatal dans ce virage c’était la coupe du virage, ce circuit était neuf et le sol très adhérent, c’est donc la géométrie de cette épingle qui était mal fichue. Mais à l’époque personne ne m’a écouté quand j’ai voulu porter plainte contre le Circuit et ses sponsors pour le manque de sécurité, c’était aussi une autre époque, tout n’est pas aussi régulé qu’aujourd’hui.
Il paraît que vous avez une relation difficile avec vos fils ?
Sans déconner ? Vous pensez qu’ils ont eu une enfance heureuse avec une mère plus occupée par ses moteurs et ses circuits que par leurs prouesses scolaires ? Il ne faut pas être sorti de la cuisse de Jupiter pour le savoir, mes fils m’en on voulut et m’en voudront encore – et je les comprends parfaitement.
Votre belle-famille, la famille Banks tente de vous écarter des finances de l’entreprise de feu votre mari, comment le prenez-vous ?
J’ai passablement envie d’en envoyer quelques-uns en orbite, mais légalement ils n’ont aucuns droits sur mon héritage, j’ai hérité en toute légalité de mes parts entrepreneuriales et la succursale qui m’appartient aujourd’hui n’est jamais que le tiers de ce qui est rapporté à ma famille. Je ne leur dois rien et certains devraient se souvenir que sans moi ils ne seraient pas de ce monde !
Vous parlez de vos fils ?
Et aussi de mes neveux et nièces, j’ai joué les entremetteuses.
Aujourd’hui comment vivez-vous votre vie d’ancienne pilote ?
Ancienne ? Je pilote toujours figurez-vous ! Même en déambulateur je compte bien continuer à piloter, dussé-je faire modifier mes véhicules pour pouvoir continuer à les conduire ! J’ai mes entrées au circuit de Las Vegas et je continue d’utiliser mon influence dans les sports automobiles.
Il paraît que vous avez votre propre écurie, est-ce vrai ?
Parfaitement vrai, mes pilotes commenceront à courir dès cette saison sur circuits fermés. J’ai décidé de recruter des jeunes, fiables et fonceurs tout de même, fille ou garçon peu importe. Je n’ai pas forgé mon nom pour rien. L’un de mes fils a décidé de sponsoriser tout ça également, il apprécie les courses mais depuis les gradins vous voyez ?
Je vois. Merci beaucoup Minnie pour cette entrevue.
Mais avec plaisir mon petit, avec grand plaisir !